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Alou Boubacar Diallo à propos de la Sécurité : « au-delà de la réponse militaire, une vision globale pour refonder le Mali »

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La guerre contre le terrorisme et pour la survie du Mali ne se gagnera pas uniquement les armes à la main. Bien sûr, il faut de toute urgence réarmer, rééquiper et renforcer massivement nos forces armées. Mais il faut également porter le combat sur deux autres terrains où la victoire est tout aussi vitale : celui de la morale et des valeurs, et celui de l’avancement social et de la prospérité économique.

Si la guerre contre le terrorisme se gagnait par les armes, les Américains seraient sortis victorieux des conflits en Irak et en Afghanistan, et les Français maîtriseraient aujourd’hui la bande sahélienne. La réalité est beaucoup plus complexe. La guerre contre la terreur est une guerre asymétrique, qui répond à d’autres logiques que les chocs frontaux des conflits traditionnels. Pour triompher face à ces guérillas, il faut certes des soldats, mais il faut aussi et surtout gagner les consciences et tacler la racine des problèmes économiques et sociaux qui gangrènent notre pays.

Gagner les consciences en ramenant des valeurs au sommet de l’Etat.

La racine du Mal malien provient tout d’abord de l’abandon des populations par leur gouvernement, notamment dans les régions du Nord et du Centre, et ce depuis des décennies. La nature a horreur du vide, et quand l’Etat n’est plus en mesure de répondre aux besoins les plus élémentaires des populations, des hors-la-loi de quelque sorte que ce soit, s’y substituent. Mais le Mal malien est plus profond encore. Ce sentiment d’abandon est également un sentiment de désespoir qui a été versé depuis des décennies dans les cœurs de nos compatriotes, à commencer par les plus jeunes. Pas d’emploi, pas de perspective, et le spectacle navrant d’une classe politique sans vision, sans boussole, qui ne s’accroche aux postes et aux honneurs que pour les avantages qu’eux et leurs proches peuvent en tirer. C’est le cocktail parfait pour que la jeunesse d’un pays cède aux sirènes de tous les fanatismes.

L’abime sécuritaire que nous vivons est avant tout le résultat de la faillite morale de la classe politique malienne. Les magouilles pour prendre ou conserver le pouvoir. Les petits arrangements entre membres d’une oligarchie qui a complètement perdu des yeux la cause du peuple malien. Les fonds publics pillés. C’est un triste spectacle pour la jeunesse malienne et le principal berceau du désespoir de notre pays. Or, un pays désespéré ne peut plus avancer. Ne veut plus avancer. Et les mauvaises herbes ont alors champ libre pour prospérer. Le poisson pourrit toujours par la tête. Quand les élites d’un pays sont à ce point décadentes, le peuple se meurt et est prêt à se lancer dans n’importe quelle folie qui lui donne l’illusion de s’élever.

Face à l’ancienne classe politique comptable du drame malien, qui se vautre dans le luxe en délaissant ostensiblement nos valeurs africaines et musulmanes pour singer de manière grotesque ses alter ego occidentaux, les terroristes ont beau jeu de se positionner comme des remparts moraux à la décadence. C’est ce mensonge que nous devons dénoncer de toutes nos forces, nous Maliens musulmans pieux. La meilleure arme pour défaire leur folie meurtrière est la piété traditionnelle et les vertus morales séculaires de l’Islam. L’alternative n’est pas le terrorisme ou le nihilisme occidental. N’ayons pas peur, n’ayons pas honte d’être fièrement musulmans. Notre foi et nos valeurs cultuelles et culturelles maliennes sont la digue la plus efficace contre les groupes armés terroristes. Cette victoire morale est indispensable. Il s’agit de notre premier combat et, paradoxalement de celui qui est le plus facile à mener et à remporter. La population malienne dans sa grande majorité est exemplaire dans sa piété respectueuse des autres et de la vie humaine. Elle n’attend qu’une chose : que ses élites se mettent au niveau de leur peuple.

Le Mali est un pays laïc et tolérant. Ce n’en est pas moins un pays modelé par des siècles de culture musulmane. Nous devons rester ouverts à l’environnement actuel dans lequel nous vivons sans tourner dos à nos traditions et à notre passé. Cela nous rendra plus fort pour lutter contre l’installation de la gangrène terroriste. J’en appelle donc à un dialogue renforcé avec les chefs religieux et les chefs traditionnels, qui sont les représentants légitimes du peuple, pour reprendre l’ascendant moral sur les groupes armés en s’appuyant sur la morale, les valeurs traditionnelles et l’Islam.

Remplir les ventres pour tarir le recrutement de la chair à canon terroriste.

En parallèle à cet indispensable redressement moral, nous ne pouvons pas continuer à laisser pousser le second ferment de la crise malienne : le chômage et la misère qui poussent des villages entiers à rallier le camp des terroristes. Le monde doit comprendre que la très grande majorité des Maliens qui rejoignent AQMI ne sont pas des fanatiques endoctrinés, mais de pauvres gens qui cherchent simplement à survivre. Les groupes armés distribuent des vivres, des médicaments, assurent la protection des communautés ralliées. Aussi révoltant que cela soit, les terroristes se substituent à l’Etat… et font mieux que le gouvernement pour répondre aux besoins de base des populations.

Les communautés qui se rallient aux terroristes sont une chair à canon bon marché au service d’une poignée d’idéologues. Elles sont tout aussi victimes que responsables. La majorité des jeunes hommes qui constituent les rangs des groupes armés terroristes ne demandent qu’une chose : pouvoir vivre en paix en étant capable de fonder une famille et de se construire une vie. Il en va de même pour les femmes, enrôlées bon gré mal gré dans cette folie. C’est notre responsabilité de les accompagner sur le chemin du retour à la vie normale. C’est la meilleure chose à faire d’un point de vue moral et c’est la solution qui serait à la fois la plus efficace et la moins coûteuse pour régler une fois pour toute la question sécuritaire dans notre pays.

La clé de ce retour à la normale tient en un seul mot qui est au cœur de tout mon programme politique : l’emploi. L’emploi est la clé qui permettra de débloquer une fois pour toute la crise malienne. Dans le Nord et le Centre bien sûr, mais aussi à Bamako et dans tout le pays. Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, le reste du pays risque d’être le prochain domino à s’effondrer dans le camp de la haine si nous ne faisons rien. La jeunesse de notre pays demande simplement qu’on lui donne une chance de pouvoir écrire son destin. Cette demande aussi fondamentale que de pouvoir respirer lui est refusée depuis des décennies. Pire, les gouvernements qui se sont succédés ne s’en sont jamais réellement préoccupés.

Je ne le répèterai jamais assez. La crise malienne est celle du désespoir et de la résignation. En réinsufflant un peu d’espoir dans le cœur des Maliennes et des Maliens, nous pourrons soulever et déplacer des montagnes. Pour ce faire, je propose depuis de nombreuses années la mise en place d’un Plan Marshall pour le Mali de 15’000 milliards de FCFA afin de remettre sur pied nos infrastructures, de donner des emplois à notre jeunesse, et de partager ensemble une vision ambitieuse pour remettre le pays sur les bons rails. Depuis des années, on m’assure que ce plan est trop cher. Il coûte pourtant beaucoup moins cher que la guerre sans fin que nous menons. Beaucoup moins cher que les drames à venir. Je suis d’ailleurs très optimiste en voyant que, depuis la crise du Covid, les dogmes d’une austérité mortifère ont été enterrés. Les plans de relance ne sont pas du gaspillage d’argent public, mais des investissements indispensables pour notre futur. Je détaillerai dans les semaines à venir les grands axes de cet ambitieux plan Marshall, point de départ du renouveau malien.

Muscler notre réponse sécuritaire.

N’en déplaise à ceux qui n’osent jamais rien, mon projet n’est pas utopique. Tous ceux qui me connaissent savent que je suis un pragmatique. Ma priorité est de préparer la paix et la prospérité du pays dès le premier jour de mon mandat. Mais je suis aussi prêt et déterminé à mener tant qu’il le faudra la guerre contre les groupes armés terroristes. Les pertes de nos forces armées sont des plaies qui restent béantes pour tous les Maliens. On ne peut pas continuer éternellement à envoyer nos soldats mener des batailles qu’ils n’ont pas les moyens de remporter. Nous devons repenser drastiquement notre approche militaire et dialoguer avec les maliens qui ont pris les armes pour faire enfin cesser le sacrifice de nos jeunes hommes en uniforme.

Nos soldats ne sont pas assez nombreux sur les théâtres d’opération du Centre et du Nord. Ils ne sont pas suffisamment armés et équipés. Ils ne disposent pas, enfin, de l’entraînement et de la formation qui leur permettrait de prendre le dessus sur leurs ennemis. La vérité de la situation militaire et sécuritaire du pays est aussi simple que cela. Arrêtons de nous mentir et de faire la politique de l’autruche. Le seul moyen de prendre le dessus sur les groupes terroristes est de remédier drastiquement et rapidement à cette douloureuse réalité. Partout où nous envoyons les FAMAS se battre, la responsabilité du gouvernement est de leur garantir qu’ils auront le dessus sur leurs ennemis. C’est un devoir de base d’un pays envers ses soldats. Sur ce point-là aussi, nos précédents gouvernements se sont montrés défaillants.

La France a récemment annoncé la fin de la mission Barkhane. Au lieu de gémir sur la situation, ou de nous en indigner, essayons au contraire d’en tirer profit pour renforcer nos capacités militaires et notre situation stratégique. Le Mali est un pays digne et fort. Nous n’avons pas besoin de faire la charité à qui que ce soit. Les relations internationales sont des rapports de force, pas de la mendicité. Nous devons réaliser, nous Maliens, que les alliances, les partenariats et la coopération internationale sont des routes à double sens. Le Mali a certes besoin de ses alliés pour défaire les groupes armés terroristes, mais la France et l’Europe ont aussi besoin d’un Mali sûr et débarrassé des terroristes pour leur propre sécurité. Le retrait des soldats français nous place paradoxalement dans une position de force pour négocier au mieux un nouveau partenariat militaire axé sur la formation, la fourniture d’équipements, le renseignement… le tout, pour la première fois, sous entière souveraineté malienne !

Nos liens avec la France sont anciens et solides, mais l’époque post-coloniale est bel et bien révolue. Nos amis français en sont aussi conscients que nous. Le monde du XXIe siècle est multipolaire et les alliances stratégiques doivent être multiples, évolutives et complémentaires. Nous ne devons rien nous interdire pour accroître notre défense nationale et être prêts à frapper à toutes les portes pour donner à nos soldats les moyens de mener à bien leur mission. La Russie, les USA, la Chine et la Turquie par exemple, comme bien d’autres pays, ont les capacités et le savoir-faire pour être des partenaires importants afin de nous aider à atteindre notre objectif : renforcer massivement notre appareil militaire pour vaincre les groupes armés terroristes et ramener sécurité et unité au Mali.

Au-delà de la coopération militaire avec nos alliés, le Mali doit également recruter et acquérir des armements et du matériel militaire pour renforcer ses capacités et bâtir l’armée malienne de demain. Il s’agit d’investissements qui entreront dans le cadre de mon Plan Marshall en créant des emplois et en sécurisant de manière efficace les zones où le gouvernement malien n’a aujourd’hui plus le contrôle.

C’est en empruntant de nouveaux chemins et en testant de nouvelles solutions que nous sortirons notre pays de l’ornière dans laquelle il se trouve. Les vieilles recettes ont échoué et fait place à la résignation et au laisser-faire. Nous ne devons pas accepter l’échec. Il y a nécessité d’aller vers l’exogène. C’est une guerre à mort que nous livrons pour la survie du Mali.

Aliou Diallo
Président d’Honneur de l’ADP – MALIBA

Danayamedia

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