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Lamine Seydou TRAORÉ, ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Eau : « Troisième producteur d’or en Afrique, le Mali doit réorganiser toute sa filière d’exploitation

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Ancien n°2 d’Orange Mali, Lamine Seydou Traoré est à la tête du ministère stratégique des Mines, de l’Énergie et de l’Eau. Il dresse ici le bilan des IXes Journées minières et pétrolières (JMP) et du « Forum de haut niveau sur la dégradation des cours d’eau du Mali par l’orpaillage » qui viennent de se tenir à Bamako. Entretien exclusif.

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Propos recueillis à Bamako par Bruno FANUCCHI
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse

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APP – Vous venez d’organiser à Bamako les IXes Journées minières et pétrolières (JMP) du Mali, Pouvez-vous nous résumer le poids économique des JMP ?

Lamine Seydou TRAORÉ – Ces JMP, qui existent depuis 2005, sont devenues un rendez-vous biennal incontournable et c’est un événement très important dans un pays qui est le troisième producteur d’or en Afrique.

Ces JMP, que j’organisais pour la première fois au CICB – le Centre international de conférences de Bamako –, ont tenu leurs promesses avec près de 2 000 participants et une centaine de stands. C’est une manifestation professionnelle où tous les acteurs du secteur minier et pétrolier se retrouvent pour échanger, partager contacts et expériences dans le but de créer une dynamique pour trouver des solutions aux problèmes qui se posent dans ce secteur clé de nos économies.

Organisées grâce aux sponsors des grandes industries minières, ces Journées n’ont pas coûté un sou à l’État malien ! C’est une prouesse assez rare pour être soulignée. Et pour la première fois, nous avons eu la participation de trois ministres de la sous-région : Burkina Faso, Sénégal et Niger.

APP – « Ces Journées nous permettent de mieux vendre la destination Mali », avez-vous souligné dans votre discours de clôture. Pour attirer de nouveaux investisseurs dans ce secteur clé ?

Lamine Seydou TRAORÉ – Le secteur minier représente en effet près de 10 % du PIB du pays, 70 % des recettes d’exportation et plus de 400 milliards de CFA de contribution aux recettes de l’État : très exactement 403 milliards en 2019 et 457 milliards en 2020. Car nous avons au Mali une production industrielle de 65 tonnes d’or par an.

Sans parler de la part de l’orpaillage qui, pour le moment, échappe toujours aux statistiques nationales et représente, selon moi, largement plus de 10 tonnes par an. C’est pour cela que l’on a mis en place une « Feuille de route » avec la Chambre des Mines du Mali pour pouvoir réorganiser ce secteur, pour deux bonnes raisons : que l’État puisse avoir enfin des statistiques fiables de production, sur laquelle il puisse imposer ses taxes, mais aussi pour que les orpailleurs eux-mêmes puissent quitter progressivement l’informel vers le secteur formel et tirer ainsi plus profit de leur production, souvent revendue sur le marché noir mais pas au bon prix. Il nous faut en effet encadrer l’orpaillage artisanal et traditionnel qu’il faut bien distinguer de l’exploitation illégale de l’or, ou encore du dragage.

APP – Au Mali, l’or, cela pèse lourd ?

Lamine Seydou TRAORÉ – Les JMP permettent de réunir l’ensemble des professionnels et de se mettre d’accord sur les solutions à apporter aux problèmes qui se posent au secteur minier ou pétrolier. Le thème retenu cette année était : « Développement du contenu local, enjeux, perspectives et rôle de l’État ».

Le développement de ce contenu local a été identifié comme un facteur essentiel afin que l’or brille davantage pour les Maliens et le Mali, que les retombées de l’exploitation minière puissent être perceptibles par les populations locales.

APP – À quelle échéance ?

Lamine Seydou TRAORÉ – Toutes les parties prenantes se sont engagées à mettre en œuvre une action tripartite visant à inverser complètement la tendance sur trois ans. Au regard des dépenses engagées par les sociétés minières pour la production de l’or, moins de 20 % des bénéfices reviennent aux entreprises nationales et locales, ce qui est très peu. Notre objectif est de porter ce taux au-delà de 50-60 %.

Pour ce faire, une action tripartite s’impose.

1 – Il faut des entreprises nationales sérieuses qui ne vont pas frauder l’État, mais travailler et payer leurs impôts, embaucher des Maliens et les payer correctement, et aussi des entreprises qui sont prêtes à développer des synergies entre elles pour pouvoir faire face au marché et à toute la manne financière de ce secteur. Ces entreprises nationales et locales doivent arriver à s’installer sur la chaîne de valeur de la production minière.

2 – Il faut que les grandes sociétés minières étrangères comprennent que leur épanouissement au Mali dépend de l’environnement dans lequel elles interviennent. Elles doivent être prêtes à accompagner de bonne foi les entreprises maliennes, en leur offrant des marchés qu’elles peuvent exécuter.

3 – Le troisième intervenant, c’est bien sûr l’État qui doit créer le cadre et qui soit capable de prendre ses responsabilités en sanctionnant toutes les dérives constatées dans cette filière.

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« Le Forum de Bamako a eu un important rôle d’alerte
sur la dégradation de nos cours d’eau par l’orpaillage »

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Photo-souvenir de l’entretien à Bamako entre le Grand reporter Bruno FANUCCHI et Lamine Seydou TRAORÉ, ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Eau du Mali. © DR

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APP – En marge des JMP, vous êtes intervenu dans un « Forum de haut niveau pour la sauvegarde des cours d’eau du Mali » menacés par l’orpaillage. Ce Forum a eu un rôle d’alerte ?

Lamine Seydou TRAORÉ – Ce fut une très bonne idée, dont je remercie Abdoullah Coulibaly, président de la Fondation du Forum de Bamako. Son initiative a permis d’attirer l’attention de tous les opérateurs économiques sur les risques que fait courir ce genre de pratiques.

Le constat est sévère et grave et – il faut le reconnaître – l’État n’est pas la seule victime de la dégradation de nos cours d’eau. De grandes mines industrielles voient ainsi leur permis menacés par des clandestins qui s’installent dans leurs zones pour faire de l’orpaillage. Une réflexion globale reste nécessaire pour trouver des solutions pragmatiques entre parties prenantes.

Ce Forum a eu un important rôle d’alerte. Il a également permis de mettre en lumière les efforts du gouvernement dans la lutte contre le dragage : une lutte de longue haleine car cette pratique s’est instaurée depuis longtemps et le territoire malien est très vaste.
D’où l’importance d’attirer l’attention des sociétés minières pour qu’elles participent financièrement à cette lutte. C’est le lieu, ici, de les remercier car certaines ont mis par exemple à notre disposition des grues pour saisir le matériel interdit. Une aide fort appréciée.

APP – Comment peut-on mettre fin à l’orpaillage illégal ?

Lamine Seydou TRAORÉ – C’est tout le sens de notre « Feuille de route » mise en œuvre avec la Chambre des Mines du Mali. Historiquement, le Mali est un pays de production d’or, où l’orpaillage a toujours existé depuis Kankou Moussa [empereur malien du XIVe siècle, réputé avoir été l’homme le plus riche de l’Histoire, grâce à la production d’or du Mali, ndlr]. L’idée est de dire : pour ceux qui veulent rester dans l’orpaillage traditionnel, voici les équipements et les couloirs que vous êtes en droit d’utiliser ; mais voici aussi les outils et les procédés qui vous sont interdits, comme le dragage.

Nous voulons procéder à un recensement de tous les orpailleurs comme il y a un cadastre pour tous les propriétaires terriens. Ces opérations ont déjà commencé au niveau des organisations faîtières. Et l’État vient maintenant les accompagner et donner une envergure nationale à ce recensement.

Contre l’orpaillage illégal et le dragage de nos cours d’eau, nous avons engagé depuis janvier dernier une lutte implacable : nous avons déjà saisi plus de 300 pelleteuses et 200 machines alors que plus d’une cinquantaine d’exploitants illégaux sont poursuivis en justice.

APP – Ces JMP participent également à la lutte contre le réchauffement climatique ?

Lamine Seydou TRAORÉ – Lors de ces IXes JMP, nous avons mis l’accent sur les énergies renouvelables pour montrer au monde quels efforts nous étions en train de faire pour la transformation du mixte énergétique – actuellement à plus de 70 % issu de centrales thermiques – et pour demander aux sociétés minières de parvenir à une hybridation des systèmes d’énergie.

Une société comme B2Gold a ainsi développé 30 mégawatts d’énergie solaire sur une consommation permanente d’énergie de 64 mégawatts. Il nous fallait aussi attirer l’attention des bailleurs de fonds sur le fait que la transformation du mixte énergétique d’EDM (Énergie du Mali) permettrait de réduire la consommation de gaz à effet de serre.

APP – La transformation énergétique passera aussi par l’hydrogène… N’est-ce pas une découverte majeure ?

Lamine Seydou TRAORÉ – Actuellement en discussion, une loi va introduire dans notre Code pétrolier et gazier la notion d’hydrogène naturel et d’hydrogène vert. Nous pensons sérieusement que la transformation du mixte énergétique passera par la valorisation et la mise en exploitation de ces deux formes d’hydrogène.

Je ne peux que me réjouir qu’Hydroma, une société malienne, soit en train d’investir des millions dans ces recherches : c’est la société créée par M. Aliou Boubacar Diallo qui fut déjà un précurseur et le seul opérateur minier malien avec la société Wassoulor. Venu plancher devant les JMP, il montre à nouveau la voie. Bravo !

APP – Car ces Journées ne doivent pas rester un grand rendez-vous sans lendemain…

Lamine Seydou TRAORÉ – Les JMP prévoient la mise en place d’un Comité de suivi confié à la présidente du Comité d’organisation de ces Journées, Mme Binta Traoré épouse Diarra, pour l’application de l’ensemble des recommandations prises à Bamako. Nous rendons hommage à cette brillante ingénieure et lui faisons confiance. Notre unique objectif est de faire de l’exploitation minière et pétrolière un outil privilégié de croissance économique et de développement social.

Source: Africapresse.Paris

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