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Adama SIDIBÉ (PDG d’ETASI) : « Nous devons avoir une vision entrepreneuriale pour reconstruire le Mali »

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Véritable « self made man », à la tête d’une entreprise du secteur minier, Adama Sidibé vient de se voir décerner à Bamako le Prix d’excellence lors de la Nuit de l’Entrepreneuriat, qui consacre un parcours professionnel exemplaire.

Entretien avec un entrepreneur qui veut toujours faire mieux.

L’ancien Premier ministre Moussa Mara vous a remis le Prix d’excellence lors de la Nuit de l’Entrepreneuriat, quelle est votre première réaction ?
Adama SIDIBE – Ce Prix distinctif nous permet d’être classé parmi les « meilleurs entrepreneurs » du Mali. Malgré le contexte socio-politique assez difficile actuellement au Mali, nous autres entrepreneurs maliens nous sommes assis pour se dire : ce pays là, il faut le reconstruire grâce à des Maliens talentueux. Dans toutes situations difficiles, il en sort des hommes forts.
Aujourd’hui, c’est dur, mais nous devons manager des Maliens et avoir une vision entrepreneuriale pour reconstruire le pays. Personnellement, je suis ce que l’on appelle un « self made man », j’ai tout appris sur le tas sans guère aller à l’école, que j’ai quittée avant le BEPC, et j’ai su construire une entreprise performante.
C’est donc une reconnaissance bien méritée…
Adama SIDIBE – Ce Prix, je le dédie d’abord à ma famille qui m’a laissé tout le temps d’entreprendre et que j’ai un peu délaissée pour me consacrer au travail. Ce ne fut pas facile. Je le dédie aussi à toutes mes équipes dont l’engagement est ainsi reconnu et à tous mes partenaires stratégiques que sont les grandes entreprises minières. Le mérite leur revient. Ce sont elles qui nous ont appris ce que sont les standards internationaux à respecter pour produire en toute sécurité et santé.
Reconnaissance enfin à notre département de tutelle : le ministère des Mines qui a mis de l’ordre dans ce secteur en inscrivant dans le nouveau Code minier le contenu local qui favorise les entreprises nationales pour le développement du business de l’or et des autres substances précieuses.

Quelles leçons tirez-vous de cette soirée de gala ?

Adama SIDIBE – Réunissant de nombreux grands patrons, cette soirée de gala de la Nuit de l’Entrepreneuriat témoigne qu’il y a de grandes opportunités dans ce pays. Ce fut donc une grande joie de se retrouver avec toute mon équipe dans cette soirée, animée avec talent par Mme Nabou Fall, et d’en être un des lauréats.
Ce fut pour moi une grande fierté, d’autant plus que ce Prix d’excellence m’a été décerné par l’ancien Premier ministre Moussa Mara, qui est un visionnaire. Cela ne veut pas dire que je dois baisser les bras pour me reposer sur mes lauriers, bien au contraire. La vie d’une entreprise, c’est un combat de tous les jours et une détermination constante pour faire preuve d’innovation.
« De plus en plus de femmes s’intéressent à l’entreprise
et sont déterminées à faire bouger les choses »
Un dernier mot sur la Nuit de l’Entrepreneuriat ?
Adama SIDIBE – La Nuit de l’Entrepreneuriat est devenue un événement incontournable à Bamako, où tous les opérateurs économiques se retrouvent pour échanger leurs expériences et multiplier les contacts. C’est quelque chose de très positif pour nous car il s’y crée une véritable émulation pour être parmi les meilleurs.
Ma grande joie cette année, c’est de voir de plus en plus de femmes qui s’intéressent à l’entreprise : des jeunes femmes entreprenantes et dynamiques dans le bâtiment, les routes, le transport ou la transformation des produits locaux. Ces femmes sont déterminées à faire bouger les choses aujourd’hui au Mali.
Je vous donne un seul exemple original : Mme Aminata Bocoum, venue me voir pour me demander conseil et assistance, fait chaque année le Festival du dibi – cette viande de mouton à la saveur sans égal – qui réunit plus de 50 000 festivaliers et constitue le plus grand événement culinaire et gastronomique du pays. Le prochain festival aura d’ailleurs lieu bientôt, du 15 au 20 février à Bamako. Voilà une belle initiative !
Et dans le secteur minier, quelles sont les nouveautés ?
Adama SIDIBE – Dans ce secteur, on a aussi beaucoup de talents et de compétences. Les grandes mines du pays sont désormais gérées à 98 % par des Maliens. Le Mali est aujourd’hui assis sur une grande réserve de produits rares comme l’or et le lithium. Nous venons en effet de découvrir à 150 km seulement de Bamako des réserves de lithium et je pense que nous serons bientôt le premier producteur mondial de lithium. Sans parler du fer et de la bauxite.

Moi-même, j’ai quatre permis miniers, dont un permis de calcaire avec réserve de 10 millions de tonnes à l’état naturel, nécessaire pour faire le ciment, la chaux industrielle, le traitement des produits chimiques et de l’eau, etc
Cela fait quatre ans que j’ai ce permis et des études géologiques menées avec mon partenaire, la société Barrick (ex-Rangold), nous ont permis de déceler une réserve de calcaire industriel d’une valeur de plus de 4,5 millions de tonnes, nécessaire dans la production de l’or. La tonne est aujourd’hui vendue à 200 000 CFA (environ 300 euros), ce qui représente 3 000 milliards de CFA.
Le calcaire peut être utilisé dans l’industrie minière, la peinture, le ciment et même l’agro-alimentaire. Et près de 6 millions de tonnes pour l’agriculture. Le Mali est un pays agricole mais sa terre est acide et c’est ce calcaire qui neutralise l’acidité du sol pour que les engrais donnent de bons résultats. Or, les pays de la sous-région – comme la Côte d’Ivoire, la Guinée ou le Burkina Faso – n’en ont pas beaucoup.
« L’insatisfaction est le moteur de la réussite ! »
Présentez-nous votre société qui vient d’être mise à l’honneur…

Adama SIDIBE – ETASI est une société que j’ai fondée il y a une vingtaine d’années, en 2001, qui se consacrait au début à la vente de pièces détachées pour voiture et engins de travaux publics, puis à l’acquisition et à la location de matériel lourd du génie civil.
J’ai poursuivi le développement de mon entreprise en prenant des contrats miniers. Aujourd’hui, ETASI fait du transport de minerai avec quelque 12 000 tonnes par jour. Ce qui était impensable autrefois pour un Malien, car c’étaient des sociétés étrangères, des multinationales, qui venaient chez nous pour faire ce travail.
Au bout de vingt ans d’expérience, notre société en pleine croissance emploie aujourd’hui près d’un millier de personnes pour un chiffre d’affaires de 30 à 40 millions de dollars par an.
Vous êtes donc un entrepreneur heureux ?
Adama SIDIBE – Non, je reste toujours insatisfait car l’insatisfaction est le moteur de la réussite ! Un entrepreneur doit savoir savoir prendre des risques. À nous de nous battre tous les jours pour que le maximum de Maliens, toutes couches sociales confondues, ait du travail.
C’est la règle d’or d’ETASI Mali. Au départ une petite entreprise, mais qui se retrouve aujourd’hui parmi les grandes sociétés de la place et qui est en train de se restructurer. Nous venons ainsi de signer un contrat pour quatre ans avec le Cabinet Deloitte pour nous aider à implémenter nos procédures et manières de travailler après le pic de croissance que nous avons connu. Avec par exemple une flotte d’environ 200 engins lourds en location permanente.
Quels sont vos autres projets de développement ?
Adama SIDIBE – J’ai racheté en 2020 une société anglaise, qui faisait de l’exploration géologique et avait elle-aussi vingt ans d’expérience, pour fusionner et créer ETASI & Co. Nous avons ainsi acquis pour plus de 4 millions de dollars toute une flotte d’exploration avec des machines pouvant aller jusqu’à 1 000 mètres de profondeur pour de meilleurs échantillonnages.
Comme j’ai quatre permis miniers, j’ai également mis sur pied SI mining pour établir en « joint venture » avec Barrick, des experts compétents et des cabinets externes, tout un programme nous permettant de saisir les opportunités du nouveau Code minier et la loi d’exploitation NI 43101 qui réglemente l’exploration et la production de l’or au Mali. Nous intervenons ainsi dans trois mines d’or situées dans la troisième région du pays, dite Mali Sud.
En conclusion, je dirai qu’au Mali on a tout pour être heureux, mais que l’on peut toujours faire mieux. Notre pays est actuellement le troisième producteur d’or en Afrique, derrière l’Afrique du Sud et le Ghana, mais pourrait être le premier si ce secteur était mieux géré. À notre modeste place, nous nous y employons.
Source: par par Bruno FANUCCHI/africapresse.paris (APP)

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