Les dirigeants africains se sont réunis les 18 et 19 février 2023 pour le sommet annuel de l’UA. Au terme de ce dernier Sommet, le président de l’union des Comores, Azali Assoumani, a été élu président en exercice de l’Union africaine pour un an. Il succède au Sénégalais Macky Sall, devenant le premier Comorien à prendre la présidence tournante de l’organisation panafricaine. Réagissant à cette élection, ce lundi 27 février 2023, le président du Rassemblement pour une Initiative de Développement avec une Jeunesse Avertie (RIDJA), Me Saïd Larifou, avocat et opposant politique comorien, affirme que «Tout porte à croire que l’élection au poste de président de l’Union Africaine du despote Azali Assoumani préfigure un durcissement des régimes politiques».
Dans un entretien qu’il nous a accordé le lundi 27 février dernier, le président du Rassemblement pour une Initiative de Développement avec une Jeunesse Avertie (RIDJA), Me Saïd Larifou revient sur l’élection de son compatriote à la tête de l’Union africaine.
Selon lui, l’élection du Colonel Azali Assoumani est un choix par défaut, puisque le poste devait revenir de droit au président du Kenya.
De son avis, cette désignation du colonel est un message très négatif qui ternit davantage l’image de l’Union Africaine.
«Elle confirme le sentiment des peuples d’Afrique et des observateurs, comme quoi, notre institution continentale est sourde et indifférente aux aspirations des Africains pour une gouvernance démocratique et respectueuse de l’Etat de droit», a-t-il dit.
Quel espoir l’Union africaine pourrait-elle donner à la jeunesse africaine si le colonel Azali Assoumani, précédemment non admis à l’union Africaine suite à son accession au pouvoir par un coup d’Etat, devient président de notre seule institution continentale alors qu’après son retour controversé au pouvoir les militaires agissant sous son commandement ont assassiné en toute impunité plus de 35 personnes? S’est-il interrogé.
Dans son propos, il rappelle que le dernier assassinat le plus atroce et cruel commis par le régime du Colonel Azali Assoumani est celui d’un jeune de 24 ans, survenu le 26 février 2023, soit après son installation comme Président de l’Union Africaine quelques jours plutôt.
«Les Comoriens peuvent remercier les chefs d’Etat africain pour avoir remis un permis de tuer au colonel Azali Assoumani et légitimer tous les assassinats commis sous sa responsabilité, les détentions politiques et l’exil des ses opposants. Indépendamment du contournement de statuts propres à l’Union Africaine ou l’alternance entre les pays Francophones, Anglophones et Lusophones est de rigueur (trois présidents Francophones à la suite) la présidence actuelle de cette institution ne pourra s’opposer au contournement des Constitutions par les exécutifs de certains pays, à l’abrogation de certaines lois relatives à la liberté de presse et d’expression, au musellement des oppositions démocratiques…», a-t-il
Selon lui, les dirigeants africains n’ont toujours pas pris la mesure de l’éveil et de la conscience patriotique et panafricaniste des peuples d’Afrique de plus en plus structurés et incarnés comme dans les années 1960 par des jeunes talentueux entièrement et profondément dévoués pour la cause africaine.
De l’Est à l’Ouest et du Sud au Nord, il y a, dit-il, en Afrique une convergence des consciences patriotiques très élevées qui ne sauraient être remises en cause ou affaiblies par les répressions et toutes les formes de privations.
«C’est vrai, nous constatons depuis quelques jours que certains Chefs d’Etat africain prennent la liberté de museler leurs opposants par des crimes, des intimidations, des gardes à vue, des incarcérations sans fondements réels. Mais ces actes aussi cruels soient-ils, n’auront pas le dessus sur la détermination et la volonté des peuples d’Afrique à prendre leur destin en mains », a-t-il déclaré.
Selon lui, tout porte à croire que l’élection au poste de président de l’Union Africaine du despote Azali Assoumani préfigure un durcissement des régimes politiques.
«Nul ne peut croire que ce dernier pourra s’opposer à certaines pratiques anti-démocratiques, lui-même étant au pouvoir suite à un coup d’Etat et sa réélection truquée de 2019», a-t-il tranché.
Pour rappel, l’ancien chef d’état-major de l’armée, le colonel Azali Assoumani, a surgi sur la scène politique en 1999 à la faveur d’un des nombreux coups d’État qui ont agité le petit archipel de l’océan Indien depuis son indépendance de la France en 1975.
Se présentant comme un « profond démocrate », il explique à l’époque s’être emparé du pouvoir uniquement pour éviter une guerre civile, en pleine crise séparatiste avec l’une des îles de ce pays pauvre d’environ 900 000 habitants. Mais il y prend rapidement goût et se représente en 2002.
Il ne rendra les clés du pays aux civils qu’en 2006, à contrecœur, en vertu d’une Constitution qui établit une présidence tournante entre les trois îles de l’Union (Grande-Comore où il est né, Anjouan et Mohéli). Il se retire alors sur ses terres et devient agriculteur.
En 2016, l’appel est trop fort et Azali Assoumani se représente à la fonction suprême. Défiant les pronostics, il remporte un scrutin chaotique et contesté. Quitter le pouvoir « a été une erreur » qu’il ne répètera pas, a-t-il un jour confié à un diplomate en poste dans la capitale Moroni.
De retour au palais présidentiel, il élimine en quelques mois tous les obstacles : dissolution de la Cour constitutionnelle, modification de la Constitution pour étendre d’un à deux mandats la durée de la présidence tournante, et élection anticipée en 2019. La prochaine présidentielle aura lieu l’an prochain et s’il est réélu, Azali Assoumani régnera jusqu’en 2029.
Par Abdoulaye OUATTARA