Ils avaient fait de leur entente l’une des forces de leur pouvoir. Mais, depuis que le président de la transition Assimi Goïta a procédé à un large remaniement le 1er juillet, plus rien ne va entre lui et le colonel Sadio Camara, titulaire du portefeuille de la défense.
Depuis quelques semaines, des dissensions mettent à mal la cohésion de la junte au pouvoir au Mali. Celles-ci traduisent la rivalité grandissante entre le président de la transition Assimi Goïta et son ministre de la défense, le colonel Sadio Camara, alors que les deux hommes avaient jusque-là affiché une parfaite entente.
Soucieux de prendre l’ascendant sur son ministre, Assimi Goïta a fini par asseoir son pouvoir lors du dernier remaniement ministériel opéré le 1er juillet, jour de fête de la Tabaski (l’Aïd el-Kébir). Sans impliquer Sadio Camara, ce jour-là, Assimi Goïta a convoqué son premier ministre (maintenu), Choguel Kokalla Maïga, au palais présidentiel de Koulouba, afin de l’informer de sa volonté de réorganiser le gouvernement le soir même.
Sadio Camara écarté des discussions sur le remaniement
Le colonel de l’armée de l’air Ismaël Wagué (ministre de la réconciliation) et le colonel Malick N’Diaw (président du Conseil national de transition, CNT), ont assisté à ce huis clos. Outre Sadio Camara, un autre membre fondateur du groupe des « cinq colonels » manquait également à l’appel : l’influent patron de la Sécurité d’Etat (SE), Modibo Koné. A la fin de l’audience, Assimi Goïta a appelé Sadio Camara pour l’informer de l’imminence d’un large remaniement. Si les raisons de cette absence sont encore floues, la composition du nouveau gouvernement coupe de facto Sadio Camara et Modibo Koné de leurs principaux relais et consacre la mainmise d’Assimi Goïta. Le président de la transition a, dans ce cadre, promu plusieurs de ses proches contre l’avis même des autres colonels.
Au ministère de l’énergie et de l’eau, autrefois géré par le ministre des mines, le leader de la junte a nommé Bintou Camara. Cette dernière était l’une de ses conseillères à la présidence et une intime de l’éminence grise de la junte, le très puissant général Yamoussa Camara (AI du 15/11/22).
Au stratégique ministère des mines, qui a connu quelques soubresauts en raison de la démission, fin mai, de son titulaire, Lamine Seydou Traoré, beau-frère de Sadio Camara, le président de la transition a préféré le profil d’Amadou Keïta, universitaire peu familier du secteur. Ce dernier jouit toutefois d’une grande proximité avec l’influent ministre de l’économie et des finances, Alousseyni Sanou. Les deux hommes entretiennent une amitié de longue date.
Pareillement, le nouveau ministre de l’industrie et du commerce, Moussa Alassane Diallo, est l’un des mentors du ministre de l’économie. Il a été à la tête de la Banque nationale de développement agricole (BNDA). Assimi Goïta a par ailleurs écarté les ministres issus du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), proches du premier ministre.
Une explication au camp militaire de Kati
Alors que l’ombre d’une candidature d’Assimi Goïta à l’élection présidentielle de février 2024 plane à Bamako, l’ancien patron de la garde nationale, Sadio Camara, s’est ému en privé de la mainmise du président de la transition sur le gouvernement. Le sujet aurait même été au centre d’un échange tendu entre les deux hommes, ces derniers jours, au camp militaire de Kati, où les cinq colonels ont pris pour habitude de se réunir en fin d’après-midi, depuis leur coup d’Etat de mai 2021.
Si les détails de cette joute sont encore inconnus, la mise à l’écart du beau-frère de Sadio Camara, l’ancien ministre des mines Lamine Seydou Traoré, a constitué l’une des premières pierres d’achoppement. Mi-juin, Assimi Goïta s’était également opposé à la volonté du ministre de la défense de remplacer certains commandants de zones réputés êtres proches du président. Sadio Camara est par ailleurs très attentif aux ambitions présidentielles d’Assimi Goïta, tout comme le patron des services de renseignement, le colonel Modibo Koné.
Publié par Africa Intelligence.